Hélène Vacaresco: Le mois de mai
Hélène Vacaresco: Le mois de mai
Le devoir et ses lois, le monde et sa folie,
Tout nous sépare et tous veulent que je t'oublie;
On me croit sans désirs, sans regrets, sans espoir,
Et nul ne sait combien je pense à toi ce soir.
Plus que jamais, ma vie est triste et solitaire,
Sans toi, plus que jamais, il me semble sur terre
Ne trouver de repos que dans ton souvenir,
Car je t'aime, et voici que l'hiver va finir,
Voici le mois de Mai dont le nom me rappelle
Mon bonheur fugitif, comme un vol d'hirondelle;
Cette fois les oiseaux s'en reviennent tous seuls
Et les beaux jours passés dorment dans leurs linceuls!
Je souffre - tu ne sais jusqu'où va ma démence,
Je redoute à présent le printemps qui commence,
Je voudrais pouvoir dire aux fleurs de se fermer
Et je voudrais défendre aux amoureux d'aimer.
Mais le monde sourit, personne ne m'écoute;
Les fleurs s'ouvent toujours et parfument la route
Aux amoureux qui vont se tenant par la main,
Et le doux mois de Mai va commencer demain.
Chants d'Aurore, 1886.