Ventôse
Ventôse
Des mers, des champs, des monts, des bois,
Tourbillon, ouragan, tempête,
Peuple en courroux, foule inquiète,
Tous les vents soufflent à la fois.
De ce chaos qui recommence
Sort un rugissement immense,
Le cri terrible du combat;
Et la terre, soudain étreinte
D'orgueil, de désir et de crainte,
Tressaille et sent son coeur qui bat.
Le grand vent des grandes idées,
Le vent des révolutions
Souffle aussi sur les nations
De pleurs et de sang inondées.
Chacune s'agite à son tour
Dans l'attente du nouveau jour
Qui doit réaliser le rêve,
Tandis qu'à leur coeur rajeuni,
Ivre d'extase et d'infini,
Remonte et bouillonne la sève,
Les flots se cabrent anxieux,
Les chênes rebellés se dressent ;
Les mêmes questions se pressent
Et roulent de la terre aux cieux;
Le soleil à travers la pluie
Brille par instants et l'essuie
Sur le seuil sombre des maisons;
L'éclair coupe en deux le nuage,
Et les vents, redoublant de rage,
Viennent de tous les horizons.
Mais à la bataille infidèle,
Le vent du nord cède attiédi,
Le dernier souffle du midi
Porte la première hirondelle :
Salut, cher oiseau du printemps!
Avec l'hiver et les autans
S'évanouit toute souffrance;
O toi qui, de la part de Dieu,
Reviens chanter dans le ciel bleu ,
Salut, ô naïve espérance!
6 nivôse an LXXVI
(26 décembre 1868)